L’art nous a familiarisés avec Sainte Véronique : elle tend au spectateur un voile où est miraculeusement resté imprimé le visage du Christ. Elle est la « femme pieuse de Jérusalem » prise de compassion qui essuie de son voile le visage en sueur et en sang de Jésus portant sa croix au Golgotha. Les Evangiles ne la désignent pas mais elle apparaît dès le 7e siècle dans les textes et les arts sous le nom latin de Véronique (dérivé du grec Bérénice), qui signifie « vraie image » car elle conserve le « portrait » du Christ qui ne s’efface pas -qui ne doit pas s’oublier-. Garder à l’esprit et vénérer l’image vraie de la Passion de Jésus imprimée sur un tissu, ou la dupliquer par contact : de nombreuses légendes ou traditions vont dans ce sens, comme celles du roi Agbar d’Edesse, du « mandylion », du « sudarium » de Sainte Véronique, ou du linceul de Turin, qui ont inspiré l’art de l’icône sur bois, les tableaux de dévotion et retables d’église. La tradition associe Véronique aux saintes femmes accompagnant la Passion du Christ. A partir du 15è siècle, son image se répand. Elle est sur le chemin de la Crucifixion : bravant la foule, elle s’élance vers le Christ, pleine de compassion. Ou bien elle se tient debout près de la Croix ou du tombeau de Jésus, le visage éploré, présentant le voile de sueur imprimé. Elle a été un sujet apprécié des peintres flamands du 15e s. Robert Campin, Rogier Van der Weyden ou Hans Memling qui représentent une femme gracieuse au geste délicat.
Hans Memling, peintre de Bruges, l’a représentée dans un tableau conservé à Washington. A l’origine, il faisait partie d’un diptyque portable aux volets rabattables “St Jean et Ste Véronique” aujourd’hui démembré. Les deux saints étaient côte à côte au recto de 2 panneaux reliés. Jean Baptiste (tableau conservé à Munich) annonce le sacrifice de Jésus en désignant l’Agneau tandis que Véronique expose la relique de la Sainte-Face. Naturelle et gracieuse, les yeux baissés, visage ovale, traits fins : elle correspond au canon de la peinture primitive flamande. Véronique est un modèle chrétien de charité et de foi. La méticulosité de Memling s’exprime dans le traitement de sa coiffe, de son geste, des plis de sa robe et du paysage en arrière-plan. Les traits du Christ sont figés en “instantané”. Le verso des panneaux était peint également : derrière Jean-Baptiste un crâne avec une inscription qui met en garde “Morieris” (tu mourras), et au dos de Véronique, un calice doré surmonté d’un serpent qui rappelle que la foi sauve de la mort. Une “vanité” qui rappelle l’éphémère condition humaine. Une méditation sur le salut. L.C.
Livre de J.C. Petitfils “le Saint Suaire de Turin”