La fête de la Croix le 14 septembre exalte le mystère de la Croix, instrument de salut ; elle rappelait au départ le voyage à Jérusalem de Ste Hélène -mère de l’empereur romain Constantin- partie à la recherche des restes de la Vraie Croix au 4e siècle. En effet, la veille de la bataille du pont de Milvius, une croix serait apparue à Constantin avec les mots “par ce signe, tu vaincras”. Victorieux, il envoyait sa mère faire des fouilles sur le Golgotha pour retrouver les reliques de la Passion. Il y fit édifier l’église du St Sépulcre dont la consécration est à l’origine de la fête. La vénération de la Croix s’est perpétuée dans le catholicisme et l’orthodoxie sous diverses formes (dates, rites, jeûnes, processions, motifs) selon les Eglises.
Une miniature du 15e siècle évoque cette vénération dans un livre d’heures -un recueil de prières à l’usage des laïques- “Les Très Riches Heures du duc de Berry” commandées par Jean de Berry aux frères de Limbourg, et qui sont le joyau de la bibliothèque de ce grand mécène (il possédait 15 livres d’heures). Cette enluminure figure dans les Heures de l’Année Liturgique du recueil. Exalter veut dire “élever très haut”. “De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’Homme soit élevé, afin qu’en lui tout homme qui croit ait la vie éternelle” (Jn 3, 13-17). C’est une référence à la Bible : “Moïse fit un serpent de bronze et le pendit à un poteau..si un homme était mordu et qu’il regardait le serpent de bronze, il conservait la vie” (Nb 21, 4-9). Ecritures saintes, Antiquité, Moyen-Age et Légende Dorée se mêlent dans cette scène au St Sépulcre. Sur l’autel, un serpent-salamandre s’enroule autour d’une croix reliquaire semblable à celle que possédait le duc. Moïse est représenté sur la corniche de l’église avec 2 charpentiers préparant leurs planches (pour le temple de Salomon, le St Sépulcre, ou le bois de la Croix). Abraham et Melchisédech se tiennent derrière l’autel où se trouve un ostensoir, préfigurant ainsi l’Eucharistie (Gen 14,17-20). L’élégant couple princier agenouillé près de sa servante pourraient être Ste Hélène et Constantin. Mais sont représentés 3 moines d’origine africaine, comme la servante : ce sont les desservants nubiens du St Sépulcre dont parlaient les pèlerins médiévaux. La scène pourrait aussi évoquer le roi Salomon et la mythique reine de Saba venue du Yemen ou d’Ethiopie… Une symbolique multiple et mystérieuse servie par un dessin délicat et de vifs coloris. L.C.
Pour feuilleter le livre d’heures sur le site du musée : https://les-tres-riches-heures.chateaudechantilly.fr/