Le Caravage a peint 2 tableaux très différents sur ce thème dans les années 1600-04, à une époque où il est apprécié à Rome. La 2e version, plus étonnante, et finalement retenue par les commanditaires, se trouve dans l’église Santa Maria del Popolo. Dans un plan resserré, celui qui n’est encore que Saül est renversé sur le dos, les yeux clos, gisant sur son manteau pourpre de soldat romain, près de son épée de pourfendeur de chrétiens. Il semble terrassé par une présence irrésistible mais invisible, mais son visage est calme ; ses mains traduisent son émotion. La composition picturale est audacieuse : les bras tendus vers le ciel et le cheval imposant forment ensemble un lien circulaire. Le cheval très réaliste, jambe avant levée, s’impose sur ce tableau. La scène est nocturne et statique, et aucun élément ne permet d’identifier les lieux.
Le Caravage n’a pas choisi ici de mettre en scène le paysage, ni de représenter le cavalier ébloui et ses accompagnateurs en mouvement, comme l’ont fait d’autres peintres comme Michel-Ange. Saül est déjà à terre ; la lumière éblouissante qui vient de le désarçonner, le submerge et une voix l’interpelle : Saül, pourquoi me persécutes-tu ? Il répondit : Qui es-tu, Seigneur ? Et le Seigneur dit : Je suis Jésus que tu persécutes. (Ac. 9;3-9). Pourtant, Jésus n’est pas représenté et la scène n’est pas encombrée de personnages, bien que le texte suggère que Saül était accompagné. Seul émerge de l’ombre un palefrenier au front songeur, maintenant le cheval : la scène évoque plus une écurie que le chemin de Damas et il s’en dégage une sensation d’intimité et de temps suspendu. Contraint par les dimensions réduites de la chapelle où le tableau est placé, le peintre baroque a réussi à traduire par un clair obscur réaliste, et avec une économie de détails, l’intensité physique de la révélation divine qui va faire de Saül, Saint- Paul, l’Apôtre du christianisme. L.C.