Le baptême de Jésus par St Jean Baptiste est célébré le 9 janvier et sa représentation dans l’art est très ancienne. Dans les 2 baptistères dits « des Orthodoxes » et « des Ariens » des Ve et Vie siècles, deux superbes mosaïques assez similaires en font le récit.
La scène apparaît dans un médaillon au fond de la coupole des édifices, situé juste au-dessus des fonts baptismaux, lieu où se déroulaient les baptêmes par immersion totale ou partielle. Des baptistères avaient été construits près des cathédrales, et aménagés de cuves afin d’ immerger les catéchumènes adultes. C’était une époque de tensions politico-religieuses à Ravenne. Les rois barbares devenus maîtres de l’empire romain d’Occident n’étaient pas catholiques trinitaires mais ariens, et plusieurs courants religieux coexistaient : ariens, orthodoxes, catholiques. Ce qui explique le nom des baptistères construits à cette époque. Les thèses d’Arius, théologien d’Alexandrie qui rejetait la Trinité et la nature divine de Jésus, avaient été condamnées par le Concile de Nicée en 325. Le baptême par aspersion, également admis par la Doctrine des Apôtres, ne s’est généralisé qu’au XIIIe siècle dans l’Eglise catholique avec le baptême des bébés.
Les mosaïques de Ravenne illustrent avec faste la manifestation de Dieu (« théophanie ») sous la forme d’une colombe descendant sur Jésus après le rituel tandis que résonne une voix «Tu es mon fils bien-aimé, en toi je trouve ma joie » (Luc 3,21). Jésus, nu et juvénile, est plongé à mi-corps dans les eaux parfaitement limpides du Jourdain, près de St Jean-Baptiste, habillé de son vêtement de poil de chameau. Celui-ci, en répandant l’eau sur Jésus, procède à un rite de purification qu’accomplissaient les Juifs en signe de conversion pour le pardon des péchés. Action purificatrice de Dieu pour renouveler Israël qu’évoquait Ezechiel : « Je répandrai sur vous une eau pure et vous serez purifiés (Ez 36,35). Mais Jésus, lui, prend en charge les péchés de l’humanité (« Lui, vous baptisera dans l’Esprit-Saint et le feu » Luc 3,17). Un curieux personnage assiste à la scène, portant des pinces de crabes sur la tête, une outre déversant l’eau du Jourdain, ou bien le vêtement de Jésus : il personnifie le fleuve, selon les codes antiques païens. Tout autour, les Apôtres, menés par St Pierre et St Paul, forment une procession circulaire. Ils portent des couronnes triomphales sur leurs mains voilées. L’étiquette voulait dans l’Antiquité romaine et byzantine qu’on se couvre les mains pour recevoir un présent, en signe de respect pour l’Empereur ou le dignitaire donateur. Ainsi, c’est Jésus que les Apôtres honorent ici comme un roi, comme le montrent les trônes du décor, surmontés d’une croix annonçant le don de sa vie.
Malgré leurs ressemblances, les deux mosaïques, à quelques 50 ans près, présentent des nuances de style. Au baptistère des Orthodoxes, les fonds colorés bleu et vert, la beauté plastique, l’expression heureuse des figures, et les décors au style pompéien : la tradition gréco-latine est présente. Au baptistère des Ariens, la prédominance du fond doré, des figures plus impersonnelles et symétriques. Au final, un style qui s’oriente vers les valeurs esthétiques de Byzance.
L.C