Prendre soin…
« Prenez bien soin de vous. » Ce conseil nous est prodigué sur un ton très sympathique. La réalité est moins sympathique quand prendre soin de soi signifie « méfie-toi des autres ». La distanciation – qui a un sens sanitaire quand elle est physique – est nuisible quand elle devient sociale, c’est-à-dire barrière à la relation aux autres.
Nous l’avons redécouvert dramatiquement dans les maisons de retraite, mais pas là seulement. Nombre d’étudiants en souffrent mais aussi toutes sortes de groupes qui ne se rencontrent plus qu’en visioconférence. Nous avons redécouvert que nous n’étions pas qu’un corps mais que nous avions une âme.
« Prenez soin de votre âme. » C’est le titre d’un livre de J-G XERRI. Ce chrétien, médecin et psychanalyste, nous propose un « petit traité d’écologie intérieure » fort bien venu en ce moment. Mais je prendrais mal soin de mon âme si je la mettais sous cloche : la relation aux autres est vitale.
« Prenons bien soin les uns des autres. » C’est probablement la version la plus évangélique du conseil de prendre soin. A une condition au moins : celle de réfléchir à ce que veut dire « les uns les autres ». Il s’agit d’apprendre à nous aimer dans la gratuité et dans la réciprocité. Je prends soin de toi, gratuitement, sans exiger de retour… mais aussi, je reçois quelque chose de toi dans ta façon de prendre soin de moi.
« Prenons soin de la planète. » Pas possible de prendre soin les uns des autres sans prendre en compte notre environnement. La pandémie est là pour nous rappeler que
« tout est lié ». Le Carême est un temps favorable pour entendre et la clameur des Pauvres et la clameur de la Terre. Une Terre à regarder comme Création donnée par Dieu.
Alors « prenons soin de Dieu ! » Écoutons Etty Hillesum nous inviter avec ses lignes écrites dans les circonstances tragiques de la Shoah : « Je vais t’aider, mon Dieu, à ne pas t’éteindre en moi, mais je ne puis rien garantir d’avance. Une chose cependant m’apparaît de plus en plus claire : ce n’est pas toi qui peux nous aider, mais nous qui pouvons t’aider – et ce faisant, nous nous aidons nous-mêmes. C’est tout ce qu’il nous est possible de sauver en cette époque et c’est aussi la seule chose qui compte : un peu de toi en nous, mon Dieu. Peut-être pourrons aussi contribuer à te mettre au jour dans les cœurs martyrisés des autres. » La seule chose qui compte : un peu de toi en nous, mon Dieu….
Yves Doubliez, diacre